Avis lecture : le roman « Aden ou la transparence de l’air » d’Olmo

Introduction
“Aden ou la transparence de l’air » est un premier roman, de 201 pages, publié par Le Nouvel Attila en mars 2025.

Tout d’abord, quelques mots sur ce primo-romancier. Olmo a étudié comme anthropologue les rituels de transe et d’invocation des esprits en Amérique centrale. Il enseigne désormais la philosophie. Tout cela imbibe son écriture. Le Nouvel Attila, “l’éditeur qui met du sang dans son vin » (groupe Seuil) se propose justement d’éditer des “auteur·ice·s singulier·e·s”.
J’ai eu envie de connaître cette maison d’édition à travers ce livre. Ô joie! Je découvre par hasard un roman d’une poésie folle. L’histoire mêle rupture amoureuse, mysticisme et errance dans un Paris interlope.
Résumé
Aden, le narrateur, la vingtaine, peintre sans le sou, voit son monde s’effondrer quand son amour, Amalia, le quitte.
Il a partagé avec cette fille volcanique 4 années de passion émaillées de disputes et de réconciliations. Refusant de rentrer dans le moule de la société, il vivote grâce au trafic de cannabis de son ami Flock. De cela, Amalia ne veut plus. Militante incandescente, fille volcanique, elle veut “avancer”, sans lui qui semble éternellement bloqué. Perdu dans les affres amoureuses, Aden croise le Caló, le Manouche, un chamane mexicain devenu trafiquant.
Cet homme l’interpelle, cet homme voit en lui quelque chose que Aden ne sait pas encore. Dès lors, son errance dans le Paris des marges, des réfugiés, des laissés pour compte, du boulevard de La Chapelle à Pigalle, du bas de Montmartre aux puces de Saint-Ouen, se mue en quête hallucinée.
Quête de soi, quête du sens caché de la réalité, des paroles du Caló et de ses propres tableaux énigmatiques.
Regard d’autrice: analyse thématique et stylistique
Les thèmes majeurs
L’identité, la quête de sens, le mysticisme se mêlent à la rupture amoureuse. Parce qu’elle déboussole, la rupture ouvre une brèche, dissout les repères. Le sens caché des choses et la Chose cachée prennent consistance. L’être s’ouvre à une dimension nouvelle, à l’invisible.
Construction narrative et style
La construction narrative semble classique, avec une situation initiale, un élément perturbateur fort, le départ d’Amalia, des péripéties, un nouvel équilibre.
Mais la même impression de kaléidoscope éclate cette structure, en trouble les contours.
Certes, des dates sont données, scandant des repères temporels. Pourtant les faits se troublent, se chevauchent, à l’image des sensations d’Aden.
L’écriture inonde de poésie une vie modeste, des quartiers interlopes, des invisibles, des laissés pour compte.
Aden s’efforce de nommer son ressenti trouble, la réalité qui se tord, se diffracte en un kaléidoscope de textures, de couleurs, de sensations.
Convergence entre la démarche littéraire de l’auteur et ma pratique d’écriture
Je retrouve dans « Aden ou la transparence de l’air » une poésie hallucinée qui m’inspire, me rappelle les visions de mon héroïne de roman, Alexandra, et m’incite à lâcher prise dans ma propre écriture.
Appréciation personnelle
Ce que j’ai ressenti
Épatée par la qualité poétique de l’écriture, j’ai également été touchée par la détresse amoureuse et l’errance d’Aden. J’ai plongé dans l’ambiance magnétique de ces lieux parisiens, en empathie avec cet anti-héros, et cherchant moi aussi à comprendre les paroles étranges du Caló.
Ce qui m’a marquée
Rien ne m’a déplu dans ce roman, même lorsque la violence surgit. Tout est porté par une langue à la fois accessible et résolument poétique.
Le mysticisme peut surprendre, mais pour peu que l’on soit ouvert à la dimension spirituelle et philosophique, cela renforce la magie exercée par ce livre.
Recommandation personnelle
Pour qui?
Cette plongée dans un Paris interlope, dans le monde des marges, m’a rappelée le “Vernon Subutex » de Virginie Despentes ( tome 1). La drogue, l’alcool, les marginaux y sont très présents. Mais Aden, c’est une langue poétique avant tout. Il importe, pour l’apprécier, d’être ouvert.e à cette dimension… et se laisser porter.
Conclusion
Je ne note pas les livres. Vous avez compris mon enthousiasme. Je suivrai cet auteur dans ses futures aventures littéraires. Son premier roman est un de mes coups de cœur de 2025. Il peut se trouver dans les médiathèques, sinon, chez votre libraire préféré.e. Lien vers la page éditeur : ici.
Quelques citations
🏵️ « Tous ces souvenirs sont maintenant recouverts d’une étrange charpente de rêve, mais ce qui ne s’effacera pas, ce sont toutes ces secondes avec elle, à passer ces années dans un lit aux lattes cassées, sans avoir besoin d’autre poésie que sa prodigieuse manière de ponctuer les phrases. «
🏵️ » si peu de gens parviennent à s’extraire de ce petit ronron du principe de plaisir, et c’est aussi bien comme ça. On y arrive par moments, puis on se fait reprendre dans les rouages, ce sont des bestioles trop grandes pour nos forces, et elles sucent tout ce que nous avons de sève. Mais on aime bien. Comme ces parasites qui s’emparent de certains animaux en les hallucinant, nous, on est halluciné jusqu’à la mort par les petits plaisirs sans douleur. C’est le projet de notre civilisation. On est fumé par nos pensées. Et elles ne sont même pas à nous et elles nous font croire que c’est nous qui fumons. «
🏵️ » Cette nuit-là, le vent avait emporté un peu de cette puanteur, la mienne et celle de la ville, comme il avait toujours tout emporté à Paris, pendant des siècles, la peste, les Allemands, la mémoire des faubourgs, les mondes effondrés des ivrognes, ce vent qui roulait les rues, nettoyait avec sa palette de nuit la ville avant qu’elle ne se relève, repeignait le fond de l’air froid, comme une note claire dans le souffle creux d’une accordéon. “
Lire ce roman : https://www.seuil.com/ouvrage/aden-ou-la-transparence-de-l-air-olmo/9782487749009
Auteur/autrice
line.marsan.autrice@gmx.com
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