affiche la petite dernière

La Petite dernière est une autofiction de Fatima Daas, parue pour la rentrée littéraire de 2020 aux Éditions Noir sur blanc (192 p.). Remarqué par la critique, ce livre a reçu le Prix Inrockuptibles du Premier roman. Le livre a été adapté au cinéma par Hafsia Herzi, qui est la scénariste et la réalisatrice du film. Analyse comparée du livre et du film.

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Photo de Fatima Daas au moment de la parution de son autofiction. Photo de la couverture du livre La Petite dernière.

Fatima Daas, née en 1995, a grandi en région parisienne, dans une famille algérienne musulmane dont elle est la petite dernière, la seule née en France. Profondément croyante et pratiquante, elle se découvre lesbienne. Dans ce livre, elle explore ses identités multiples : femme, Française, musulmane pratiquante, asthmatique, lesbienne, militante féministe.

Fatima décline ses identités multiples par touches successives. Elle revient sur ses années d’enfance et d’adolescence. Les années collège, son comportement agité, son groupe de copains, exclusivement des garçons, auquel elle appartient. Le lycée, les études supérieures qui lui permettent de découvrir d’autres espaces, de toucher du doigt une émancipation possible.

L’identité multiple, la foi, l’islam, le lesbianisme, l’homophobie sont évoqués, suggérés, dans un tableau pointilliste. Nulle démonstration dans ce livre, mais un parcours intime pour plonger au cœur de sa vérité.

Chaque chapitre, très bref, commence par une sorte de litanie résumant ce que l’on vient de lire précédemment sur son identité. Ces répétitions accentuent l’impression de ressassement, de tourner en rond entre des murs construits par d’autres que soi, mais aussi l’impression d’une affirmation de plus en plus forte de ses identités multiples. L’écrit devient alors performatif, une manière d’assumer et donc de vivre pleinement les identités multiples déclinées.

J’ai aimé cette démarche d’émancipation par l’écrit.

Les phrases courtes disent la vérité nue, sans fioritures. Au début, cela m’a décontenancée. Mais les phrases en arabe et la litanie évoquée plus haut installent une petite musique. La simplicité et l’authenticité touchent.

J’ai vu le film avant de lire le livre. Les thèmes abordés m’intéressent. La sélection du film au Festival de Cannes, le Prix d’Interprétation féminine reçu par Nadia Melliti m’ont donné envie d’aller voir le film. Hafsia Herzi m’intrigue, tant dans son jeu d’actrice que dans son parcours de réalisatrice. Son film “ Tu mérites un amour » m’avait laissée circonspecte, mais intriguée.

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Photo AFP avec de gauche à droite Fatima Daas, Hafsia Herzi et ses deux actrices principales, Nadia Melliti et Ji-Min Park

La pudeur de Fatima Daas, la délicatesse d’Hafsia Herzi, ont cette même manière de dessiner à petites touches des moments de vie, à rechercher l’authenticité des dialogues et des émotions. Chez ces deux artistes, les non-dits, bien plus que les discours, laissent entrevoir la profondeur de l’âme et ses complexités.

Extrait de l’interview d’Hafsia Herzi dans Numéro:

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Hafsia Herzi, en tant que scénariste, s’est appropriée l’autofiction de Fatima Daas. Le père et la mère sont en partie réinterprétés. Les deux sœurs prennent vie, la famille est un cocon qui parfois se fait piège.

Les copains, les amis, les aventures sexuelles dessinent en creux une identité en mouvement, poreuse aux rencontres, là où le livre insiste davantage sur l’analyse intime et la quête de soi.

La réalisatrice prend le temps de l’intime, mais aussi de la joie. Contraste entre les tourments intérieurs de l’héroïne et les scènes de la Gay Pride où elle irradie de bonheur. Le sentiment amoureux, la difficulté de construire un couple trouvent davantage de place que dans le livre.

En somme, c’est le film d’une femme mûre sur une jeune adulte à laquelle elle dessine un espoir, une émancipation.

Hafsia Herzi, dans sa volonté d’authenticité, le refus de la grandiloquence, désarçonne parfois. Et puis vient la petite musique, intrigante, comme chez Fatima Daas.

Les deux œuvres se complètent et résonnent en harmonie.

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Affiche du film La Petite Dernière, avec l’actrice Nadia Melliti

Pour mes autres chroniques littéraires, c’est par ici.

Auteur/autrice

line.marsan.autrice@gmx.com

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