Photographie de Jean Giono, couverture de l'essai Giono, furioso et couverture du roman de Giono Que ma joie demeure

Giono, furioso, essai biographique sur Jean Giono, a reçu le Prix Femina Essai en 2019, et je comprends pourquoi. Je l’ai dévoré. Ce n’est pas seulement une biographie, mais aussi un bel ouvrage littéraire et une incitation à (re)lire Jean Giono avec un autre regard. « Que ma joie demeure », césure dans son œuvre, est tombé à point nommé pour m’y exercer.

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Emmanuelle Lambert en 2018
( Source Wikipedia)

Emmanuelle Lambert a été commissaire d’exposition de l’exposition consacrée à l’écrivain français Jean Giono, au MUCEM (Marseille) en 2020.

Ce livre est le récit de sa découverte des différentes facettes de cet homme et écrivain majeur du XXe siècle, considéré par beaucoup comme un « bon pâtre provençal ». Emmanuelle Lambert veut non seulement se confronter aux zones d’ombre de cet homme. Sa compromission pendant la guerre, née de son pacifisme à tout prix, ses goujateries d’homme à femmes… Mais aussi et surtout, elle veut montrer la violence de son écriture et la fureur du désir au cœur de son œuvre.

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Jean Giono (Source : amomama.fr)

Si les chapitres suivent la chronologie d’une vie, cet essai n’est pas linéaire. L’autrice partage aussi un peu des heures passées dans la maison de l’écrivain devenue musée, et également un peu de sa vie privée, envahie par cette recherche sur Giono. Elle s’adresse parfois directement à l’écrivain, l’engueule même à un moment et le débusque derrière une image devenue trop lisse.

Elle éclaire le processus de création de cet auteur en mettant en valeur certains éléments biographiques. Ainsi de l’ouvrage Jean le bleu , inspiré de l’amour et de l’admiration de Giono pour son père cordonnier. De même pour Le Grand Troupeau, né du traumatisme de la Première Guerre mondiale.

Et tout cela dans une langue très agréable, à la fois précise et comme laissant l’écrivain l’inspirer.

« Il connaît dans sa chair la chaleur qui monte et le tremblement de la colline. Et il écrit. « 

 » Votre amour à vous, Giono, est cannibale.« 

Giono est un dévoreur de pages. Il voit son travail d’écrivain à l’image de celui de son père cordonnier. Toujours s’exercer, travailler, s’améliorer, se dépasser. Il noircit des pages, rature.  Il a « la passion de l’invention« .

Et il insuffle à ses personnages son ardeur à vivre. L’exaltation de vivre, et pour certains, parfois, de mourir. Rien n’est tiède chez Giono.

Le roman Que ma joie demeure est considéré par certains spécialistes de l’écrivain comme un point de bascule dans sa carrière. La première période, est celle de Regain , de Colline, serait celle de l’espoir. La seconde période, celle du Hussard sur le toit et du Roi sans divertissement serait plus sombre. Dans Que ma Joie Demeure, le désir de joie, de vie, de sens d’amour, est ardent, dévorant. Bobi, le saltimbanque, le vagabond, fait renaître la joie de vivre sur le plateau. Il fait naître l’espoir du partage, une utopie communautaire ou communiste. Mais l’homme, la femme, ne sont pas seulement faits pour l’espoir. Il sont des êtres torturés. Ils n’ont pas la simplicité des animaux.

 » la bonté et la générosité sont chez lui des notions complexes sinon troubles. Il explique qu’il y a une fureur de la générosité, qu’elle revient à une forme de prédation de l’autre (…)La générosité pour lui c’est la faim de l’autre. » (Giono, furioso)

Giono nourrit l’espoir furieux de la paix (jusqu’à se compromettre avec Vichy), d’une unité retrouvée avec la nature (que les hommes ne méritent finalement pas), d’une joie toujours renouvelée. Mais son espoir déçu a fait de lui Giono, furioso.

 » Tout comprenait et était sensible. Ils étaient seuls à être durs et imperméables malgré la bonne volonté. Il fallait qu’ils aient perdu comme ça le bel héritage de l’homme pour être si pauvres, pour se sentir dépouillés, et faibles, et incapables de comprendre le monde. » (Que ma Joie demeure)

« Il ne connaît pas l’utopie : le retour à l’équilibre se fait par le sacrifice, après des moments sortis des enfers de Jérôme Bosch. » (Giono, furioso)

Auteur/autrice

line.marsan.autrice@gmx.com

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